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Pater Laurentius Blog Homélies et digressions d'un prêtre catholique français sur l'Eglise, la géopolitique, la Russie et quelques autres marottes.

Homélie pour la Solennité de l'Epiphanie, Année C - 2 janvier 2022

Pater Laurentius

 

« Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? », demandent les mages en arrivant à Jérusalem. « Nous avons vu son étoile à l’Orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui ».

C’est aujourd’hui la solennité de l’Epiphanie et nous voyons, dans l’Evangile de saint Matthieu, les mages venir d’Orient pour adorer l’Enfant-Jésus. Ces mages représentent la sagesse des nations, cette sagesse qui, depuis l’origine de l’humanité, est à la recherche du vrai Dieu. Ce vrai Dieu que les nations attendent et recherchent depuis toujours, c’est l’Enfant-Jésus qui vient de naître à Bethléem.

Il y a quelques semaines, dans l’évangile du troisième dimanche de l’Avent, il était dit que le peuple qui écoutait la prédication de Jean-Baptiste était en attente. « Tout le peuple était en attente », disait le texte. Il s’agissait là du peuple juif. Ce que manifestent les mages qui viennent à Jérusalem en provenance du lointain Orient, c’est que ce peuple en attente n’est pas seulement le peuple juif : c’est toute l’humanité. 

Les mages sont guidés, dans leur recherche de Dieu, par des signes et d’abord par une étoile qu’ils ont vu se lever à l’Orient et qu’ils ont décidé de suivre. Ils représentent ainsi les multitudes d'hommes et de femmes de bonne volonté qui cherchent de toutes sortes de manières le chemin vers la vérité. 

Les mages sont venus vers Jérusalem, vers la Judée. Ils montrent ainsi qu’ils reconnaissent dans le peuple hébreu ce peuple porteur de la Promesse faite à Abraham, ce peuple dépositaire de l’Alliance, des Tables de la Loi et de toutes les Saintes Ecritures, ce peuple qui incarne l’intervention de Dieu dans l’histoire à travers sa propre histoire collective. C’est ce peuple que Dieu s’est choisi comme témoin parmi toutes les nations. Ainsi les mages viennent-ils en ce lieu précis, à Jérusalem, pour s’enquérir de l’endroit où le Fils de Dieu doit naître. Ils viennent pleins d’espérance et aussi de naïveté. Car en arrivant à Jérusalem, ils se rendent auprès d’Hérode et suivent ses instructions. Ils ne se doutent pas qu’ils ont devant eux l’ennemi du Christ par excellence, celui qui, par jalousie et par peur de se voir détrôner, ordonnera le massacre des Innocents. Bientôt, ils seront avertis de ne plus obéir à ses injonctions homicides et de le laisser en arrière. Ils retourneront dans leur pays par un autre chemin.

 Cette fête de l’Epiphanie est au cœur du message chrétien. Elle n’est pas séparable de la fête de la Nativité. Car Dieu s’est fait homme, non pas seulement pour venir se manifester à nous, mais pour nous sauver. Dieu n’est pas venu dans l’humanité pécheresse pour se complaire dans son abaissement, mais pour élever cette humanité jusqu’à lui.  Il s’est fait homme pour illuminer les ténèbres de ce monde : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu », dit saint Athanase. Pour être plus précis, il faudrait dire : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu », c’est-à-dire pour qu’il soit rendu, comme le dit la Seconde Lettre de saint Pierre, « participant de la nature divine » (cf. 2P 1,4). Et cette promesse s’adresse à tout homme, comme le rappelle saint Paul dans l’Epître aux Ephésiens : « Ce mystère a été révélé aux Apôtres et aux Prophètes dans l’Esprit : ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile ».

Saint Paul mettra cela en pratique en allant annoncer l’Evangile aux nations païennes. Il sera celui qui universalisera le message évangélique, celui qui portera l’Evangile à toutes les nations et, pour cette raison, saint Paul demeurera toujours le modèle de toute activité missionnaire. À l’époque de saint Paul, le monde connu se limitait aux frontières de l’Empire romain. Aujourd’hui, le «monde» au sens géographique, ce sont les cinq continents et l'on peut dire que, par l’activité de générations et de générations de missionnaires, l’Evangile a été annoncé à toutes les nations sous le ciel. Il n’y a pas aujourd’hui un seul continent, pas un seul pays où le Christ n’ait été, d’une manière ou d’une autre, annoncé.

Et cependant, les ténèbres du monde dont parle le Livre d’Isaïe, cette « nuée obscure qui couvre les peuples », ces «ténèbres qui couvrent la terre», sont aujourd’hui encore partout répandues : guerres, misère, oppression, violences, haine de Dieu et des hommes, péchés en tous genres ; ceci à l’extérieur de l’Eglise visible comme en son sein – l’actualité récente nous l’a rappelé.  Comment expliquer cela ?

Eh bien, parce que l’annonce extérieure de la Bonne Nouvelle est une chose, elle est essentielle, mais elle n’est que la première étape. Ce qui compte au final, c’est la réponse de l’homme. Et cela est toujours un choix personnel, une décision intime qui n’est jamais acquise d’avance. C’est toujours un combat. Et cette décision, chaque génération doit la reprendre à son compte, même dans les pays d’ancienne chrétienté. Cela veut dire qu’à chaque génération, il faut encore et encore annoncer l’Evangile. On pourrait croire que des siècles de christianisme en France constituent un rempart contre les ténèbres. Nous voyons bien qu’il n’en est rien, que rien n’est jamais acquis. 

Peut-être d’ailleurs faut-il aujourd’hui annoncer l’Evangile davantage encore dans les anciens pays de chrétienté qu’ailleurs. Car au regard de la foi, ces pays d’ancienne chrétienté apparaissent à bien des égards comme des périphéries de l’Eglise. Ce sont des terres de mission, comme l’avaient vu certains auteurs dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. 

Oui, les terres de mission aujourd’hui sont sur notre sol. Nul besoin d’aller loin pour rencontrer les ténèbres dont parle le prophète Isaïe : dans nos banlieues, dans nos villes et même ici, dans nos zones rurales ; ce sont les ténèbres de la violence, de l’injustice, de l’isolement, de la misère ; les ténèbres du matérialisme, de l’égoïsme, du mensonge, du péché sous toutes ses formes ; les ténèbres de l’absence de sens ressenti par nos jeunes ; les ténèbres de l’incroyance, de l’indifférence ou du refus de Dieu, les ténèbres du désespoir. Oui, aujourd'hui en France, des multitudes d'hommes et de femmes voient leur vie couverte de ténèbres : ils ne voient pas comment quelque chose pourrait changer dans leur existence, ils ne voient pas quelle lumière pourrait éclairer leur chemin.  Voilà ces fameuses « périphéries de l’Eglise » dont on parle tant. Elles sont à notre porte. Au milieu de ces ténèbres, cette fête de l’Epiphanie nous donne une grande espérance parce qu’elle nous rappelle que, quelle que soit l’étendue et la profondeur de ces ténèbres, le monde attend et recherche, même confusément, la lumière du Christ. C’est notre mission, à chacun, de l’annoncer, d’abord en nous laissant nous-mêmes transformer par elle dans notre vie, d’abord par la prière personnelle et par la réception des sacrements dans des cœurs bien disposés ; ensuite, partout où cela est possible, en sachant rendre compte à tous ceux qui nous le demandent de l’espérance qui est en nous. 

Que l’Esprit Saint nous en donne l’intelligence et la force. Qu'il fasse de chacun de nous des témoins de la lumière du Christ là où nous sommes. 

Amen !

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