Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Pater Laurentius Blog Homélies et digressions d'un prêtre catholique français sur l'Eglise, la géopolitique, la Russie et quelques autres marottes.

Cardinal Müller : « Il y a une prise de contrôle hostile de l'Église de Jésus-Christ. Nous devons résister »

Pater Laurentius

À propos du "Synode sur la Synodalité", le Cardinal Gerhard Ludwig Müller, Préfet émérite de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (ex Saint-Office) a affirmé que l'Église catholique fait face à "une prise de contrôle hostile" par des personnes qui "pensent que la doctrine est comme le programme d'un parti politique" qui peut  être modifié par des votes.

Interview du Cardinal Gerhard Ludwig Müller sur EWTN du 7 octobre 2022 - Transcription et traduction française. 
​​(Interview par Raymond Arroyo - The World Over, 7 octobre 2022) 

R. A. : Votre Éminence, merci d'être là. C'est une vraie joie de vous revoir ici. Au cours des deux dernières années, l'Église a interrogé les catholiques du monde entier, et les non-catholiques pourrions-nous ajouter, sur leurs désirs dans l'Église et au sujet de l'Église.  Maintenant, ces rapports nationaux ont été envoyés à Rome.  À l'échelle internationale, une moyenne de 1 à 10 % de catholiques baptisés ont réellement participé à ces groupes de discussion synodaux. Avec un chiffre si faible, pensez-vous que ces enquêtes ont une grande signification ?  Reflètent-elles réellement ce qui préoccupe le plus les catholiques ?

Card. Müller : Je pense que l'approche est mauvaise. Nous n'avons pas à dire à Dieu nos désirs mais à accueillir ce que Dieu désire pour nous. Je pense que cette sorte de plébiscite au sein de l'Eglise catholique est contraire aux enseignements de la constitution dogmatique de Vatican II (Dei Verbum) selon laquelle l'Eglise est à l'écoute de la Parole de Dieu, et que cela est plus important que cette collection d'opinions variées qui sont souvent de plus très éloignées de notre vie concrète d'aujourd'hui.


Éminence, les préoccupations de ces rapports paraissent parfois étonnantes. En Angleterre, en Irlande, en France et ailleurs, ils citent le besoin d’une Église plus accueillante. La synthèse mentionne en particulier la communauté “LGBTQ”, les catholiques divorcés-remariés, les femmes et leur désir d'avoir davantage de présence et de pouvoir dans l'Eglise. En ce qui concerne la communauté “LGBTQ”, le rapport américain écrit : “L’espoir d’une Église accueillante s’est exprimé clairement par le désir d’accompagner, avec authenticité, les personnes LGBTQ+ dans leurs familles. Afin d’être une Église plus accueillante, il y a un besoin profond de discernement continu de toute l’Église sur la meilleure façon d’accompagner nos frères et sœurs LGBTQ+.” Que pensez-vous de cet accent mis sur la communauté “LGBTQ” ? Et comment voyez-vous l’évolution du synode pour répondre à ces préoccupations ?

Je pense que l'idéologie qui sous-tend ces discours tente d’instrumentaliser l’Eglise catholique et la foi catholique pour promouvoir ses propres idées. Mais, en réalité, tous sont bienvenus dans l’Église ; mais d’abord ils doivent se repentir de leurs péchés et changer de vie selon les commandements de Dieu. La meilleure chose que nous puissions faire, nous autres, êtres humains, est de suivre la voie de Jésus-Christ et de changer notre vie selon ces commandements et selon l’Évangile de Jésus-Christ.


Ces rapports semblent tous aller dans le sens d’un pouvoir plus fort et d’un plus grand poids accordé aux femmes dans la prise de décision. Les Australiens demandent notamment une discussion sur l’ordination des femmes, en particulier des femmes diacres. Cette question de l’ordination des femmes n’a-t-elle pas été réglée par les derniers pontificats, y compris celui du pape François ?

Ces questions sont réglées depuis longtemps dans l'Eglise et n'ont rien à voir avec le pouvoir politique ni l'autopromotion. Il faut suivre la volonté de Dieu et agir avec responsabilité en vue du salut de tout le genre humain. Nous avons à coopérer à la volonté de Dieu et à la mission de Jésus-Christ pour conduire chacun au salut. Jésus-Christ est l'unique Rédempteur. Il n'y a ni autocréation ni autorédemption. Je pense que tout cela n'est que de la manipulation par une idéologie et que cela n'a rien à voir avec l'Evangile ni avec la doctrine de l'Eglise catholique.

 

Une personne telle que vous qui avez consacré votre vie à protéger cette doctrine et à l'enseigner - vous étiez  à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi au Vatican -, quelle peut-être votre réaction lorsque vous voyez advenir un système dans lequel toute cette doctrine semble en passe d'être enterrée ? Par un vote populaire, on en vient à décréter quelle doit être la doctrine du moment, et cela paraît avoir plus de poids que la doctrine éternelle de l'Eglise enseignée depuis l'époque du Christ.

Le fondement de l’Église est la Parole de Dieu, la Révélation, et non pas nos réflexions bizarres sur ceci ou cela. Ce système est un système d’auto-révélation. Il s'agit d'une forme d'occupation de l’Église catholique et d'une prise de contrôle hostile de l’Église de Jésus-Christ, laquelle est la colonne de la Vérité, de la Vérité révélée. Il suffit de lire une seule page de l’Évangile pour voir que ce système n’a rien à voir avec Jésus-Christ. Que ce soit l'Evangile ou les Actes des Apôtres, vous verrez en les lisant que ce système n'a rien à voir avec Jésus-Christ ni avec le Dieu Un et Trine, et que cette idéologie n'est qu'une forme de programme d'un parti politique qui peut le modifier en fonction des intentions de vote.

 

Votre Éminence, le cardinal Mario Grech, qui est le Secrétaire général de ce Synode des évêques, a parlé à 200 dirigeants catholiques américains le mois dernier à Rome. Il a évoqué des “questions compliquées” – c’est ainsi qu’il les a appelées, comme celle des personnes divorcées et remariées recevant la communion ou la bénédiction des couples de même sexe – et il a dit la chose suivante : “Ces questions ne doivent pas être comprises simplement en termes de doctrine, mais sous l'angle de la rencontre permanente de Dieu avec les êtres humains. Qu’est-ce que l’Église a à craindre si ces deux groupes de fidèles ont la possibilité d’exprimer leur sens intime des réalités spirituelles dont ils font l’expérience ? Ne serait-ce pas là une occasion pour l’Église d’écouter l’Esprit Saint, qui parle aussi à travers eux ?” Quelle est votre réaction quand vous entendez cela ? La doctrine va-t-elle à l'encontre de l’expérience constante de Dieu avec l’humanité ?

C’est l'herméneutique du vieux protestantisme culturel et du modernisme. C’est l'idée que  l’expérience individuelle est au même niveau que la Révélation objective de Dieu. Dieu alors n’est qu’une sorte d'écran sur lequel vous pouvez projeter vos propres représentations, et à partir duquel vous pouvez vous livrer à un certain populisme dans l’Église. Il ne fait pas de doute que tous ceux qui, hors de l’Église, veulent détruire l’Église catholique et ses fondements, sont très heureux de ces déclarations. Mais il est évident que c’est absolument contraire à la doctrine catholique. Nous avons la Révélation de Dieu en Jésus-Christ. Elle est définitivement accomplie et achevée en Jésus-Christ. Nous avons à suivre Jésus et non pas nos désirs subjectifs. Il est absolument clair que Jésus a parlé de l’indissolubilité du mariage. Le cardinal Grech serait plus intelligent que Jésus-Christ ? D'où tire-t-il son autorité pour relativiser la Parole de Dieu ?


Je dois dire que je suis secoué quand je vous entends dire - et vous revenez d'un consistoire  dont nous parlerons dans un instant - que vous croyez que le processus synodal est ou se transforme en une prise de contrôle hostile de l’Église, en une tentative de détruire l’Église. Est-ce bien ce que vous voyez en lui ?

Oui. S’ils réussissent, ce sera la fin de l’Église catholique. Et nous devons y résister comme l'Eglise a résisté aux anciennes hérésies telle que l’arianisme, quand Arius décrétait, à partir de son idée des choses, ce que Dieu peut faire et ce qu'il ne peut pas faire. C'est du rationalisme : l’intellect humain veut décider ce qui est vrai et ce qui est ne l'est pas.

 

Tous ces rapports nationaux ont été synthétisés dans un document de travail, connu à Rome sous le nom d'instrumentum laboris. Ce document continue d'être affiné, mais, en fin de compte, il guidera toutes les discussions lors du Synode à Rome. Il est rédigé par le Comité consultatif et de direction du Synode et un groupe d’environ 20 soi-disant experts. Il s’agit de laïcs, religieuses, prêtres catholiques et d’un archevêque. Qui sont ces personnes, et pourquoi ont-elles été choisies pour rédiger ce document de travail ? Pourquoi ne pas confier cette tâche à un groupe de cardinaux?

Je pense que le résultat était clairement défini bien avant toutes ces enquêtes et questionnaires. C'est l'achèvement du processus. Ces gens rêvent d’une autre église qui n’a rien à voir avec la foi catholique, qui lui est absolument contraire, et ils veulent abuser de ce processus synodal non seulement pour orienter l'Eglise catholique dans une autre direction, mais pour détruire l'Eglise catholique. Personne n'est autorisé à opérer un changement absolu ni à substituer la foi catholique, la doctrine révélée de l'Eglise, par des idées étranges. La doctrine des Apôtres est le reflet de la manifestation de la Révélation du Verbe de Dieu. Nous avons à écouter la Parole de Dieu exprimée avec autorité dans la Sainte Bible et dans la Tradition apostolique, dans le Magistère et l'ensemble des Conciles.
Il est impossible de remplacer la doctrine révélée une fois pour toutes et définitivement en Jésus-Christ, par une autre révélation. 


Pourquoi, selon vous, le pape autorise-t-il cela?

C’est une question difficile. Je dois dire qu'il m'est impossible de le comprendre.
Je dois le dire ouvertement, parce que la raison d'être même du pape, selon le Concile Vatican II mais aussi selon toute l’histoire de la théologie catholique, est de garantir la vérité de l’Évangile et l’unité de tous les évêques dans l’Église dans la vérité révélée. La question fut posée à Pierre, et à tous les apôtres : “Qui est Jésus-Christ ? Est-il un prophète ou un nouvel Élie, un autre homme religieux ?” Et Pierre répondit : “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.” Et dans cette confession sont incluses toutes les autres vérités des mystères de la foi catholique ou chrétienne : La Trinité, l’Incarnation, la grâce et les sacrements. Tout est là.



Votre Éminence, j’entends tous les jours des pasteurs protestants, des rabbins juifs, parler de l’importance de la manière dont ils considèrent l’importance de l’Église catholique, parce qu’elle est le centre. Et ils disent que nous devons prier pour l’Église, pour qu’elle tienne, parce que si l’Église s’effondre, nous nous effondrons tous d’une certaine manière. Je voudrais vous montrer quelque chose : cette semaine, le compte Twitter officiel du Secrétariat du Synode du Vatican a tweeté ce qui suit de la part du cardinal Grech concernant le Synode et le concile Vatican II :  “Une réception correcte de l’ecclésiologie du Concile produit des processus si fructueux qu’ils ouvrent des scénarios que même le Concile n’avait pas imaginés, et dans lesquels les actions de l’Esprit qui guide l’Eglise sont rendues manifestes.” Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? L'Eglise est-elle un processus démocratique aboutissant à un flux continu de possibilités sans limites ?

La seule autorité ici est celle du cardinal Grech et de ses propres révélations personnelles.
Mais il y a plus que cela : il s'agit aussi d'une théorie selon laquelle les soi-disant processus synodaux surpasseraient la Révélation elle-même.
Or, - chacun apprend cela au premier semestre de la première année de théologie - ni l'Église ni les autorités de l’Église n'ont le pouvoir de changer la Révélation et d'organiser un concile pour fonder une nouvelle Église selon leurs conceptions. Il y a ici un discours abusif sur le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit ne doit pas être compris à la manière du presbytérianisme ou des mouvements "pneumatiques" extérieurs à l'Eglise catholique où le "Saint-Esprit" est conçu comme une sorte de substitut à Jésus-Christ. Le Saint-Esprit est l’Esprit du Père et du Fils qui nous introduira dans la Vérité tout entière, cette Vérité qui s'est dite une fois pour toutes et pour toujours et qui est révélée en Jésus-Christ; qui n'est donc pas une impulsion du moment au sein d'un processus qui  en définitive nous conduit à l'opposé de la Révélation.
Par conséquent, nous avons un Credo apostolique clair. Je m’interroge sur le fait que le cardinal Grech se présente comme une superautorité alors qu’il n’est pas un théologien reconnu, qu’il n’a aucune importance dans la théologie académique, et qu’il présente une nouvelle herméneutique de la foi catholique uniquement parce qu’il est le Secrétaire du Synode, qui lui-même n’a aucune autorité sur la doctrine de l’Église ; tous ces synodes d’évêques et ce "processus" n’ont aucune autorité, en particulier en aucun cas une autorité magistérielle.

 

Je voudrais vous montrer quelque chose qui date de la semaine dernière : différentes photos ont été téléchargées sur la page Facebook du Synode du Vatican pour illustrer le "Synode sur la Synodalité". L'une d'entre-elles représentait une femme-prêtre ostensiblement placée au centre en compagnie d'un jeune homme levant fièrement le bras. Sur l'image, on peut lire les paroles suivantes : "Nous sommes la jeunesse de l'avenir et l'avenir est maintenant : animer cette mission florissante qui est plus grande que chacun d'entre-nous. Nous désirons être dans les conseils consultatifs et prendre des décisions." Quel est le message ici, Votre Éminence, et comment cela est-il vu à Rome ?

Je pense que c'est le désir de prendre le contrôle d'un pouvoir illusoire. Ils veulent être plus intelligents que Dieu lui-même. C'est comparable à la tentative marxiste de "créer la vérité" par le pouvoir des médias, en se présentant comme "moderne", comme "l'avenir". En réalité, ils ont seulement l'intention de remplacer la réalité révélée de Jésus-Christ par leurs propres idées subjectives. Cela signifie la destruction de l'Eglise catholique. Il est très étonnant que cela soit permis dans le cadre du Vatican, et cela donne l'impression que le Secrétaire Général du Synode est autorisé à se présenter comme la voix du Saint-Esprit. En réalité, le Saint-Esprit n'est que fonctionnel pour eux. Ils l'instrumentalisent. En fait, cela n'a rien à voir avec le Saint-Esprit qui unit entre eux le Père et le Fils au sein de la Sainte Trinité, ce même Saint-Esprit par lequel fut conçu le Fils de Dieu dans le sein de la Vierge Marie. Tout cela est un moyen de saper la foi catholique et l'Eglise.

Je voudrais aborder maintenant la question de ce consistoire extraordinaire qui vient d'avoir lieu à Rome : 200 cardinaux s'y sont retrouvés pour discuter de la réforme de la Curie. Du moins était-ce le programme officiel. Certains cardinaux ont dit qu'on ne leur a pas accordé de temps pour ouvrir un dialogue commun. Cela a-t-il été aussi votre expérience ?

Nous n'avons pu que suivre le texte publié par Rome relatif à la réorganisation de la Curie romaine. Ce n'est pas un sujet très important pour le reste de l'Eglise. C'est juste une réforme interne relative à l'organisation du Vatican en tant qu'entité administrative. Or, l'assemblée des cardinaux devrait discuter des grands défis posés à l'Eglise dans le monde d'aujourd'hui : les grands défis anthropologique, le post-humanisme, le transhumanisme, la destruction de l'Eglise qui doit, par les sacrements et la liturgie, transmettre la grâce, l'Eglise qui doit adorer Dieu et conduire les hommes à l'adorer. Et qui n'est pas une simple administration faisant ses petites affaires en se regardant elle-même dans un miroir, en s'adorant elle-même au lieu d'adorer Dieu en vérité. 

 

Vous avez été l'un des cardinaux à faire des remarques - et même des remarques écrites - lors du consistoire, pas tant sur la réforme administrative du Vatican que sur le fait que le pouvoir papal devienne de plus en plus grand dans l'Eglise. Vous avez écrit : "Si toute juridiction dans l'Eglise était déduite de la primauté juridictionnelle du pape, non seulement cela ne serait pas un progrès ecclésiologique mais cela serait en contradiction flagrante avec les principes fondamentaux de l'ecclésiologie. Pierre agit par l'autorité du Christ comme son Vicaire. Son autorité pour lier et délier n'est pas une participation à la toute-puissance de Dieu..." (Card. Müller, 1er septembre 2022).
Qu'est-ce qui vous inquiète le plus dans ce que nous voyons aujourd'hui : est-ce la diminution de l'autorité des évêques ou l'augmentation du pouvoir arbitraire, non pas du peuple ici, mais du pape ?


Oui, d'un côté, nous avons ce populisme, ce synodalisme, dans lequel chacun présente ses propres idées subjectives, y compris parfois stupides, comme si elles étaient des révélations privées; de l'autre côté, nous entendons, chez de proches collaborateurs du pape, un discours présentant le pape comme un monarque absolu. Or, c'est tout le contraire : le pape doit être un serviteur  de l'Eglise, comme l'a dit le pape saint Grégoire le Grand. Et le Concile Vatican II a établi l'équilibre qui doit régner entre la collégialité des évêques, leur responsabilité pour toute l'Eglise, et la primauté papale. La primauté papale n'a rien à voir, et même est tout le contraire, d'un système autocratique. Le pape n'est pas en contact immédiat avec Dieu, recevant de lui de nouvelles révélations.  Il est simplement responsable de la préservation et de la transmission de l'intégrité de la foi catholique. Et non pas de prétendre améliorer ou de changer la foi catholique à partir des souhaits de la foule comme dans une dictature populiste, à la manière du péronisme dans lequel le pouvoir du Führer (sic) dépend des applaudissements des masses. Ce n'est pas le modèle de l'Eglise catholique car le chef de l'Eglise, c'est Jésus lui-même; le pape, les évêques, ne sont que des serviteurs de Jésus-Christ et ils n'agissent qu'en son nom et en vertu de son autorité - mais pas À SA PLACE -. C'est une grande différence.


En juillet, le pape François a nommé trois femmes, une laïque et deux religieuses, à la Congrégation des Évêques pour aider à choisir les évêques du monde. Selon vous, le pape a ici franchi la ligne rouge. Je vous cite. Vous dites: "C'est la sortie de l'ordre sacramentel". Qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce qui vous préoccupe ici ?

Le concept premier des Congrégations était que les cardinaux prenaient part à l'autorité du Pontife romain. C'est le clergé de la Sainte Église romaine qui détenait le primat, pas seulement le pape en tant que personne individuelle. Et donc le haut-clergé romain, c'est-à-dire les cardinaux, exerçaient le primat avec le pape, chacun à son rang, les cardinaux-évêques, les cardinaux-prêtres, les cardinaux-diacres. Cette Congrégation était la forme par laquelle les cardinaux participaient à l'exercice du pouvoir du pape, de l'autorité du pape. Ce n'est pas seulement une organisation temporelle destinée à recruter le personnel dirigeant. Ce qui advient ici est une certaine forme de sécularisation de la Curie romaine et de l'Eglise romaine. Et je pense que parmi ces sept à neuf cardinaux qui ont conseillé le pape et ont préparé cela, il n'y a pas de théologien capable de penser de manière systématique la théologie de l'Eglise. Ce sont des personnes qui pensent en terme de pratique, comme le Cardinal Marx qui envisage de gouverner l'Eglise à la manière d'une organisation profane, d'une grande entreprise. Et ceci est erroné. Nous n'avons pas besoin des conseils de ces organisations profanes. C'est l'ecclésiologie qui doit primer. C'est cela qui est important. 


Au sujet du Cardinal Zen, vous avez été troublé que lors de ce consistoire, il n'ait pas été fait mention du Cardinal Joseph Zen qui est traîné devant un tribunal en ce moment, arrêté sur de fausses accusations par les communistes chinois. Son nom n'a pas été prononcé au consistoire, il n'y a pas eu de prière pour lui. Lorsqu'on a demandé au pape s'il pensait que l'arrestation du Cardinal Zen constituait une violation de la liberté religieuse, il a répondu : "Je ne me sens pas de caractériser la Chine comme antidémocratique, parce que c'est un pays si complexe, avec ses propres rythmes. Oui, il est vrai qu'il y a des choses qui ne nous paraissent pas démocratiques, c'est vrai. Le Cardinal Zen, qui est âgé, va passer en jugement dans quelques jours, je crois. Il exprime ses sentiments. On sent qu'il y a des limitations là-bas" (pape François, 15 septembre 2022).
Comment réagissez-vous ? Pourquoi le Vatican est-il si indifférent ?


La Chine n'est pas un système démocratique. Ils ne respectent pas les droits de l'homme élémentaires de vie et de liberté. En outre, personne n'a besoin d'un siècle pour comprendre la Chine et sa culture, parce que tous les Chinois sont des êtres humains comme nous, et nous sommes convaincus que tous les êtres humains sont égaux en dignité et que tous sont appelés par Dieu à devenir fils et filles de Dieu. Et par conséquent, nous avons - non pas l'Occident mais l'Eglise universelle, partout dans le monde - à défendre les droits de l'homme élémentaires et notre droit absolu à annoncer l'Evangile à toute personne humaine. Nous croyons que nous sommes tous frères et sœurs en Jésus-Christ et nous avons pour cela à défendre nos propres frères et sœurs en Christ, spécialement les hauts représentants de l'Eglise dans cette partie du monde. Et le Cardinal Zen n'est pas seulement le représentant de l'Eglise, mais aussi de la liberté du peuple chinois et de la dignité de toute personne humaine. Pour défendre cette dignité, nous ne pouvons pas compter sur les politiciens, que ce soit à Pékin, Moscou, Bruxelles ou Washington. Les politiciens ne peuvent pas être les rédempteurs du monde, ces politiciens qui sont responsables de la situation dans laquelle nous sommes, à savoir au bord d'une possible guerre nucléaire.
Notre Rédempteur, notre Défenseur, c'est Dieu et non pas ces politiciens responsables du chaos dans lequel nous sommes.
Il ne suffit pas de faire de la diplomatie papale. Nous devons aussi dire très clairement la vérité. Nous devons résister à ces gens comme Jean-Baptiste a résisté à Hérode. 


Votre Éminence, cette semaine, le Vatican a publié un nouveau documentaire sur le changement climatique appelé "La Lettre". Le film lui-même se veut dans la lignée du message de l'encyclique du pape François Laudato Si. Le Cardinal Michael Czerny, Préfet du Dicastère pour la Promotion du Développement humain. Il a dit que le documentaire était un "appel de clairon aux gens de partout ; nous devons agir ensemble, nous devons le faire maintenant" (4 octobre 2022). Le réalisateur du film a dit : "Je ne suis pas catholique, ceci est MA vérité" ; et le Vatican fait la promotion de ce type. Pourquoi endossons-nous cette idée profane ? Pourquoi parle-t-on davantage au Vatican du changement climatique que de la Révélation de Jésus-Christ ?

Le changement climatique pourrait être un sujet pour nos politiciens, non ? Ils sont responsables du bien commun des nations et de l'humanité. Certainement, en tant qu'Eglise, nous pouvons apporter notre aide par le rappel de principes moraux. Mais nous ne pouvons pas être l'avant-garde sur ces questions purement temporelles. L'Eglise n'a pas été fondée pour être une ONG caritative mais pour annoncer le salut à tous. C'est cela, la mission de l'Eglise. Jésus a envoyé les Apôtres dans le monde entier pour annoncer l'Evangile et baptiser les gens au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, pas seulement pour s'occuper de bienfaisance pour ce monde, mais aussi pour la vie éternelle, pour le salut éternel. C'est la mission de l'Eglise. Le pape n'a cessé de répéter que l'Église n'était pas une ONG. C'est absolument clair, car l'Eglise a été instituée par Jésus-Christ, le Fils de Dieu, comme le Corps du Christ, le Temple du Saint-Esprit, et n'a pas à entrer en concurrence avec d'autres organisations purement temporelles.

(Fin)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commentaires