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Pater Laurentius Blog Homélies et digressions d'un prêtre catholique français sur l'Eglise, la géopolitique, la Russie et quelques autres marottes.

Homélie pour la solennité de l'Assomption - 15 août 2021

Pater Laurentius

 « Le Temple qui est dans le ciel s’ouvrit… un signe grandiose apparut dans le ciel : la Femme mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un sceptre de fer… dans le ciel, une voix puissante se fit entendre : ‘voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ’ » (Ap 11,19 ; 12,1.5.10).

La première lecture que nous avons entendue, aux chapitres 11 et 12 du livre de l’Apocalypse, nous parle d’un signe dans le ciel ; ou plutôt non : de deux signes : un « signe grandiose » (Ap 12,1), qui est une Femme enceinte, criant, torturée par les douleurs de l’enfantement (cf. Ap 12,2); et un autre signe : un « énorme dragon » (Ap 12,3), se tenant « devant la Femme qui allait enfanter, afin – nous dit le texte – de dévorer l’enfant dès sa naissance » (Ap 12,4). Le Dragon toutefois ne réussit pas à dévorer l’enfant car, nous dit l’Apocalypse : « la Femme mit au monde un Fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un sceptre de fer » (Ap 12,5). Quant à la Femme, elle « s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place » (Ap 12,6). De sorte que l’enfant comme la Femme, ont la vie sauve. Le Dragon échoue dans son projet. Et c’est pourquoi saint Jean peut dire : « Alors j’entendis dans le ciel une voix puissante qui proclamait : ‘voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ’ » (Ap 12,10).
Dans la Tradition, cette Femme de l’Apocalypse a été identifiée à la Vierge Marie, la Mère de l’Eglise, la Nouvelle Eve, la première des sauvés.

Et cet enfant arraché au pouvoir du Dragon, c’est évidemment le Christ, mais c’est aussi, au fil des générations, chacun des enfants qui, par le Baptême, sont accueillis dans la famille de Dieu, qui naissent de l’eau et de l’Esprit Saint et deviennent fils dans le Fils unique qui est le Christ. Cet enfant, illuminé par la grâce du Christ, racheté par son précieux sang, c’est chacun de nous. À chaque fois qu’un petit enfant – ou qu’un adulte – est baptisé, c’est Dieu qui est victorieux du Dragon. 
L’enfantement cosmique de la Femme de l’Apocalypse – la naissance du Christ –, se prolonge ainsi par l’enfantement historique, à chaque génération, d’hommes et de femmes qui lui appartiennent ; cet enfantement non seulement annonce mais encore inaugure déjà le règne de Dieu, la victoire ultime de Dieu dans l’univers. Tous ceux qui sont marqués du sceau du Christ reçoivent en héritage la vie éternelle. Ainsi, entre le Christ Jésus et les baptisés de toutes les générations, il y a une unité inséparable : le Christ est la Tête et l’Eglise est son Corps. Sainte Jeanne d’Arc dira : « entre le Christ et l’Eglise, m’est avis que c’est tout un ». « Unus Christus, caput et corpus », comme le disait déjà saint Augustin - « un seul Christ, tête et corps ». 
Et de la sorte, toujours, l’Eglise s’agrandit. Elle ne rétrécit jamais. Car l’Eglise, c’est d’abord l’Eglise du ciel.
Ainsi, l’Assomption de la Vierge Marie porte en elle notre propre espérance de la rejoindre dans la gloire du ciel.
La naissance du Christ, sa glorification et l’élévation de la Vierge Marie dans la gloire ne sont que le commencement, l’inauguration des temps eschatologiques. L’enjeu véritable, le « but » dont parle saint Paul (cf. Ph 3,14), c’est de partager la gloire des élus, unis à la Vierge Marie, aux saints et aux anges. L’enjeu, c’est d’être entièrement assumés nous-mêmes dans la gloire du Christ ressuscité. Cette glorification, nous la vivons déjà par anticipation dès ici-bas, à chaque fois que nous nous laissons saisir et illuminer par la lumière de l’Esprit Saint. 
C’est le cas par exemple à chaque fois que nous recevons un sacrement dans un cœur bien disposé.
Au milieu des tribulations et des épreuves, affrontés que nous sommes, comme le dit saint Paul, aux « puissances des ténèbres qui dominent le monde » (Ep 6,12), nous regardons la Vierge de l’Apocalypse, nous regardons Marie dans son Assomption, figure de l’humanité rachetée et glorifiée par Dieu dans le Christ. Tel est l’horizon que la Révélation nous propose, à chacun de nous : rien de moins que Dieu lui-même.

Et dans les circonstances que nous traversons, la victoire du Christ et de sa sainte Mère que proclame le livre de l’Apocalypse prend aussi une signification toute particulière. Notre-Dame de l’Assomption est en effet la patronne principale de la France, depuis que le roi Louis XIII, en 1638, a consacré notre pays à la Vierge Marie. Ce vœu de Louis XIII faisait lui-même écho à un vieil adage franc qui disait : « le royaume de France est le royaume de Marie ». Lorsque nous célébrons cette fête, nous pensons à toutes les grâces que la France a reçues au cours des siècles.
Mais hélas, nous devons aussi constater avec gravité et tristesse dans quel état notre pays se trouve aujourd’hui. Partout semble dominer une mentalité consumériste, hédoniste, matérialiste -  les accès d’hystérie environnementaliste et maintenant hygiéniste en sont aussi une manifestation ; toutes ces fausses lumières, ces faux dieux – ces idoles – procèdent au fond d’une même logique : ce qui est au centre, ce sont les réalités terrestres, mondaines, contingentes ; comme s’il y avait, au milieu de tout cela, une sorte de mystique des choses d’en-bas. Les objets, les sens, les distractions, les jeux, l’attention quasi exclusive aux réalités matérielles, physiques ou biologiques, constitue comme une sorte de credo inversé adressé à un dieu de la terre et qui pourrait sonner ainsi : « périssent les choses d’en-haut pourvu que soient préservées les choses d’en-bas ! » Oui, tel semble être – hélas – la profession de foi de beaucoup aujourd’hui.
L’Assomption de la Vierge Marie, au contraire, nous oriente toute entière vers les choses d’en-haut, vers les biens célestes, vers les réalités divines pour lesquelles nous sommes créés et que Dieu nous a destinées pourvu que nous lui disions « oui ».
Tous, en effet, nous sommes appelés à rejoindre Marie dans la gloire du Seigneur. La Vierge de l’Apocalypse, victorieuse des forces de mort, nous ouvre le chemin. Il nous suffit, pour la rejoindre, de prendre notre part du combat spirituel, vaillamment, en fiers chrétiens, en disciples courageux et fidèles du Christ Seigneur. Dans ce combat – âpre et intense - nous pouvons toujours compter sur la grâce de Dieu et sur la prière des saints, à commencer par celle de la Vierge Marie et de saint Michel, qui est l’archange protecteur de la France depuis plus de 1300 ans (depuis qu’en l’an 709 il apparut à l’évêque saint Aubert sur le mont Tombe, terrassant le Dragon, et lui ordonnant de construire un oratoire à cet endroit que l’on appela, pour cette raison, le « Mont-Saint-Michel »).
Puissions-nous, comme nous exhortait à le faire le saint pape Jean-Paul II en 1996, nous ressaisir et redécouvrir la racine spirituelle de notre destinée collective. Lorsque le saint pape disait : « France, qu’as-tu fait de ton baptême ? », ce n’était pas pour nous accuser ou pour nous culpabiliser, mais pour nous encourager à renouer avec ce qui a toujours fait notre force et notre gloire devant Dieu et devant les hommes : regarder vers le ciel plutôt que vers les choses d’en-bas ; mettre notre confiance en Dieu plutôt que de d’écouter les discours mensongers du Prince de ce monde et de ses suppôts ; choisir librement de servir la vérité dans la charité et la paix dans la justice. Ne soyons pas comme Esaü, ce fils aîné du récit biblique de la Genèse, qui échangea son droit d’aînesse contre un plat de lentilles. 
La vocation sainte à laquelle Dieu nous appelle, même si elle a un prix et implique des sacrifices, est la seule qui puisse combler véritablement notre attente profonde. N’ayons pas peur d’y répondre avec générosité. Si nous n’y faisons pas obstacle, si nous consentons et coopérons à l’œuvre de la grâce en nous, si nous ne rejetons pas les prévenances divines, alors nous serons associés – c’est une certitude de foi – à la victoire glorieuse de la Vierge de l’Apocalypse, de saint Michel et de tous les saints et les anges, sur les forces des ténèbres qui asservissent l’homme.

Que Dieu, en ce jour, par l’intercession de Notre-Dame de l’Assomption, fortifie en nous cette « bienheureuse espérance ».

Amen !

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